April 27, 2021

Episode 24 : Prête-moi ta plume

Transcript:

Chères auditrices, chers auditeurs,

Le mois d’avril est facétieux puisqu’il a commencé par le fameux poisson d’avril ! Alors, plaçons ce mois sous le signe de l’humour. J’ai choisi pour vous quelques extraits de la littérature contemporaine ainsi qu’un dessert théâtral qui, j’espère, vous feront sourire et même rire !

En 2006, Jean-Paul Dubois (lauréat du prix Fémina deux ans avant pour Une vie Française) publie un nouveau roman : Vous permettez, Monsieur Tanner ? Le sujet ? Un certain Monsieur Tanner vient d’hériter d’une maison en ruine et entreprend des travaux qui vont vite tourner au cauchemar (nightmare). Vous avez déjà vécu cette situation ? Ce court chapitre va peut-être vous rappeler des souvenirs ! Plantons le décor (let's set the scene): les ouvriers (workers) viennent d’arriver pour commencer le chantier et sont étonnés de la présence du propriétaire…

-  Vous travaillez avec nous ?

-  Oui, j’ai pris six mois de congés sans solde (unpaid leave).

-  Vous voulez dire que vous allez être sur le chantier tous les jours ?

-  Ça a l’air (it seems) de vous ennuyer (to annoy you).

-  C’est-à-dire que vous ne nous l’aviez pas dit. Nous, on n’a pas l’habitude de travailler avec quelqu’un. Généralement les types (the guys) pour lesquels on bosse (work), on ne les voit que le vendredi, le jour de la paye.

-  Et bien moi, vous me verrez tous les jours de la semaine.

-  Vous plaisantez, monsieur Tanner. En tout cas, il faut qu’on se mette d’accord : qui est-ce qui va commander ?

-  Je ne comprends pas.

-  Ben, qui va commander le boulot ? C’est vous le patron, mais vous n’y connaissez rien aux charpentes (frameworks), alors comment on va faire ?

-  D’abord, j’ai déjà refait un toit dans ma première maison et, ensuite, chacun va travailler de son côté.

-  Nous, le nôtre, et vous, le vôtre, c’est ça ? Autrement dit on pourra faire à notre façon sans que vous vous en mêliez.

-  Si tout se passe bien, oui.

-  Et qui est-ce qui va décider si ça se passe bien ou pas ?

-  Moi.

-  Bon… Dites, la chienne de Pedro vient d’avoir des petits. Il ne peut pas la laisser seule chez lui avec tous ces chiots à cause des voisins, vous comprenez, les aboiements (barks), tout ça. Alors, il les a amenés, pensant les lâcher dans votre jardin. Bien sûr, il savait pas que vous seriez là. Ça pose un problème ?

-  Quoi ?

-  Qu’il lâche les chiens dans le jardin.

-  Il y en a combien ?

- Six. Avec la chienne.

 Avant même que j’aie eu le temps de donner ma réponse la meute (pack) jaillit de la camionnette et s’égaya (brightened) dans l’herbe. Des bêtes quasi adultes, gueulardes (loud), excitées, agressives entre elles et surtout d’une laideur(ugliness) embarrassante. Lorsque la famille m’aperçut, chacun vint me renifler (sniff) et tourner autour de mes mollets. Aussi étrange que cela puisse paraitre, ces animaux sentaient l’essence, plus exactement le gasoil. Ils rôdèrent un moment dans mes parages (surroundings) et, obéissant à un invisible signal, se mirent à aboyer contre moi. Pierre et Pedro regardaient la scène en riant, puis, comprenant que les bâtards passaient la mesure, le maître des fauves s’approcha et décocha un grand coup de pied dans le ventre de la chienne. Instantanément le vacarme (din) cessa. En guise d’excuse, Pedro me dit :

-  C’est parce qu’ils ne vous connaissent pas encore. Dans quelques jours, ça ira mieux.

***

Dans le roman de Jean Teulé publié en 2007, la famille Tuvache tient une drôle de boutique : Le magasin des suicides (c’est le titre du livre, d’ailleurs !). Ici on ne vend que des articles permettant de mettre fin à sa vie avec comme promesse : « Mort ou remboursé (refunded)».

Le père, Mishima (en hommage à l’auteur japonais qui s’est fait hara-kiri), la mère et leurs deux aînés ont la tête de l’emploi pour recevoir leurs clients. Ils sont lugubres, tristes à en mourir. Mais voilà, il y a le petit dernier, Alan. Et celui-là, il a un gros problème. Il sourit tout le temps et surtout, il voit la vie uniquement du bon côté. Il risque de faire fuir (scare away) la clientèle et sa mère - dans cet extrait savoureux - n’est pas du tout contente.

-  Alan !...Combien de fois faudra-t-il te le répéter ? On ne dit pas « au revoir » aux clients qui sortent de chez nous. On leur dit « adieu » puisqu’ils ne reviendront jamais. Est-ce que tu vas finir par comprendre ça ?

 Lucrèce Tuvache, très fâchée dans le magasin, cache entre ses mains crispées (tensed) dans le dos une feuille de papier qui tremble au rythme de sa colère. Penchée sur son petit dernier, debout en short devant elle et qui la regarde de sa bouille (face) réjouie, elle le sermonne (she lectures him), lui fait la leçon :

-  Et puis cesse de (stop) chantonner (elle l’imite) : « Bon-zour-our !... » quand des gens arrivent. Il faut dire d’un air lugubre : « Mauvais jour, madame… » ou « Je vous souhaite le grand soir, monsieur. ». Et surtout, ne souris plus ! Tu veux faire fuir la clientèle ?...Qu’est-ce que c’est que cette manie d’accueillir les gens en roulant des yeux ronds et en agitant les index dressés en l’air de chaque côté des oreilles ? Crois-tu que les clients viennent ici pour contempler ton sourire ? Ça devient insupportable, ce truc-là. On va te mettre un appareil ou te faire opérer !

Un mètre soixante et la quarantaine finissante, Mme Tuvache est furibarde (furious). Cheveux châtains et plutôt courts balayés derrière les oreilles, la mèche oblique sur son front donne de l’élan à sa coiffure.

Quant aux boucles blondes d’Alan, elles s’envolent, comme sous l’effet d’un ventilateur, face aux cris de la mère qui sort de dans son dos la feuille de papier qu’elle dissimulait :

- Et puis c’est quoi, ce dessin que tu as rapporté de la maternelle ?...

D’une main, elle le tend devant elle et en fait la description, tapotant dessus l’index rageur de son autre main :

- Un chemin qui mène à une maison avec une porte et des fenêtres ouvertes devant un ciel bleu où brille un grand soleil !... Et alors, il n’y a pas de nuages ni de pollution dans ton paysage ? Où sont-ils les oiseaux migrateurs qui nous fientent (defecate) les virus asiatiques sur la tête et où sont-elles les radiations, les explosions terroristes ? C’est totalement irréaliste. Viens plutôt admirer ce que Vincent et Marilyn dessinaient à ton âge !

Lucrèce file en robe le long d’une gondole où sont exposées des quantités de fioles luisantes et dorées. Elle passe devant son fils aîné, quinze ans et maigre, qui se ronge les ongles (bites his nails) et se mord les lèvres sous un crâne entièrement bandé (bandaged). Près de lui, Marilyn (douze ans et un peu grasse), affalée (slumped) sur un tabouret, écrase son atonie - d’un bâillement (yawning), elle avalerait le monde – tandis que Mishima descend le rideau de fer et commence à éteindre quelques tubes au néon. La mère ouvre un tiroir sous la caisse enregistreuse et sort, d’un carnet de commandes, deux feuilles de papier qu’elle déplie :

- Regarde ce dessin de Marylin comme il est sombre et celui-là, de Vincent : des barreaux devant un mur de briques ! Là, je dis oui. Voilà un garçon qui a compris quelque chose à l’existence !...Ce pauvre anorexique qui souffre de tant de migraines qu’il croit que son crâne va éclater sans le bandage…Mais lui, c’est l’artiste de la famille, notre Van Gogh !

Et la mère de le citer en exemple :

- Le suicide, il a ça dans le sang. Un vrai Tuvache tandis que toi, Alan…

Vincent, le pouce dans sa bouche, vient se blottir (snuggle) contre sa génitrice :

-  Je voudrais retourner dans ton ventre, maman…

-  Je sais…, répond celle-ci en lui caressant les bandes Velpeau et en continuant de détailler le dessin du petit Alan ! : Qui est cette pépette (little girl) à longues jambes que tu as dessinée, s’affairant près de la maison ?

-  C’est Marylin, répond l’enfant de six ans.

A ces mots, la fille Tuvache aux épaules rentrées, lève mollement sa tête dont les cheveux dissimulent presque entièrement le visage et son nez rougi tandis que la mère s’étonne :

-  Pourquoi tu l’as faite occupée et jolie ? Tu sais bien qu’elle dit toujours qu’elle est inutile et moche ?

-  Moi, je la trouve belle.

Marylin se plaque les paumes aux oreilles, bondit (springs) du tabouret et court vers le fond du magasin en criant en en grimpant l’escalier qui mène à l’appartement.

-  Et voilà, il fait pleurer sa sœur !...hurle la mère tandis que le père éteint les derniers tubes au néon de la boutique.

***

La pièce d’Edmond Rostand Cyrano de Bergerac est mondialement connue et une des plus jouées. En matière d’humour et de poésie, Savinien de Cyrano de Bergerac (né au début du 17ème siècle) était un champion ! L’auteur lui rend hommage (pays tribute) avec cette célèbre tirade du nez dont vous avez peut-être vu l’interprétation au théâtre ou au cinéma (avec Gérard Depardieu dans le rôle-titre). Je vous rappelle en quelques mots la situation : Cyrano est sans cesse moqué à cause de son grand nez et cette fois-ci il décide de railler (mock) à son tour ce vicomte qui manque, comme tous les autres, d’imagination.

Le vicomte : Vous… vous avez un nez… heu… un nez… très grand !

Ecoutez ce que Cyrano lui répond :

Ah ! Non ! C’est un peu court, jeune homme !

On pouvait dire… Oh ! Dieu !… bien des choses en somme…

En variant le ton, – par exemple, tenez :

Agressif : « Moi, monsieur, si j’avais un tel nez,

Il faudrait sur le champ que je me l’amputasse (I would have to amputate it straight away) ! »

Amical : « Mais il doit tremper (dip) dans votre tasse :

Pour boire, faites-vous fabriquer un hanap (old goblet) »

Descriptif : « C’est un roc !… c’est un pic… c’est un cap !

Que dis-je, c’est un cap ?… C’est une péninsule ! »

Curieux : « De quoi sert cette oblongue capsule ?

D’écritoire (writing desk), monsieur, ou de boîte à ciseaux ? »

Gracieux : « Aimez-vous à ce point les oiseaux

Que paternellement vous vous préoccupâtes

De tendre ce perchoir (perch) à leurs petites pattes ? »

Truculent (colorful) : « Ça, monsieur, lorsque vous pétunez (smoke),

La vapeur du tabac vous sort-elle du nez

Sans qu’un voisin ne crie au feu de cheminée ? »

Prévenant : « Gardez-vous, votre tête entraînée

Par ce poids (weight), de tomber en avant sur le sol ! »

Tendre : « Faites-lui faire un petit parasol

De peur que sa couleur au soleil ne se fane (fade) ! »

Pédant : « L’animal seul, monsieur, qu’Aristophane

Appelle Hippocampelephantocamélos

Dut avoir sous le front tant de chair sur tant d’os ! »

Cavalier : « Quoi, l’ami, ce croc (hook) est à la mode ?

Pour pendre son chapeau c’est vraiment très commode (useful) !

Emphatique : « Aucun vent ne peut, nez magistral,

T’enrhumer tout entier, excepté le mistral ! »

Dramatique : « C’est la Mer Rouge quand il saigne (bleeds)! »

Admiratif : « Pour un parfumeur, quelle enseigne ! »

Lyrique : « Est-ce une conque (conch), êtes-vous un triton ? »

Naïf : « Ce monument, quand le visite-t-on ? »

Respectueux : « Souffrez, monsieur, qu’on vous salue,

C’est là ce qui s’appelle avoir pignon sur rue ! »

Campagnard : « Hé, ardé ! C’est-y un nez ? Nanain !

C’est queuqu’navet (turnip) géant ou ben queuqu’melon nain ! »

Militaire : « Pointez contre cavalerie ! »

Pratique : « Voulez-vous le mettre en loterie ?

Assurément, monsieur, ce sera le gros lot ! »

Enfin parodiant Pyrame en un sanglot (sob) :

« Le voilà donc ce nez qui des traits de son maître

A détruit l’harmonie ! Il en rougit, le traître ! »

Catherine - Prêt à Parler Team

Catherine

Après une enfance et une adolescence en Afrique, Catherine a étudié le théâtre et la littérature en France. Elle « est montée » à Paris et a été comédienne pendant 15 ans.

Aujourd’hui elle est professeur. Elle vit entre Paris et l’Andalousie.

Elle aime toujours jouer avec les mots et avec sa voix pour faire partager son amour du Français.

" Parler une langue c’est exprimer des goûts, des émotions, des opinions…et c’est aussi physique ! On doit s’entrainer comme un sportif ou comme un acteur 🙂 "

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